Avec leur petit air rétro et leur savoureuse sauce au beurre, les crêpe Suzette demeurent, à l’étranger, l’un des symboles de l’art pâtissier français. Et que ça saute !
Une recette princière
« J’ai perdu la tête depuis que j’ai vu Suzette… » : cette chanson jazzy du début des années 1990 reflète malgré elle ce que l’on raconte de l’origine des crêpes Suzette. La recette aurait en effet été inventée par Auguste Escoffier lui-même, au moment où il était le chef du Grand Hôtel de Monte-Carlo, dirigé par César Ritz. Il proposa au prince de Galles (futur Édouard VII), ce soir-là accompagné d’une jolie Suzette, des crêpes au beurre, à la mandarine et au curaçao. Plus tard, le cuisinier Henri Charpentier s’attribua la version flambée de cette spécialité, racontant qu’il l’inventa par erreur quand, jeune commis au Café de Paris, il fut si intimidé par son hôte qu’il tint son plat trop près d’un chandelier : l’alcool, abondant, s’enflamma, mais le prince adora le résultat !
Gloire au beurre Suzette
Pour préparer des crêpes Suzette, il faut bien sûr des crêpes cuites, simples mais parfaitement réalisées – merci les conseils du maître crêpier Bertrand Denis. Cependant, la signature du dessert, c’est la sauce Suzette, composée de beurre, de sucre, d’orange ou de mandarine, ainsi que de Grand Marnier ou une autre liqueur d’orange (Cointreau ou curaçao qui, autrefois, n’était pas coloré en bleu). Dans Ma cuisine (1934), Auguste Escoffier donne cette recette, encore considérée de nos jours comme la plus classique : « travailler dans une terrine 100 grammes de beurre très fin jusqu’à ce qu’il soit à l’état de pommade. Lui incorporer 100 grammes de sucre en poudre, 3 cuillerées de curaçao et suc [ndlr : zeste et jus] de mandarine. »
Ce beurre composé permet traditionnellement au maître d’hôtel de finir le dessert en salle, directement devant les convives, comme le précise Escoffier : « Les crêpes sont cuites à la cuisine et le maître d’hôtel muni d’un réchaud sur lequel est disposé un grand plat en métal. Les crêpes sont étalées sur le plat, puis saupoudrées de sucre fin et arrosées de curaçao et servies sur assiettes chaudes ». Dans le Larousse gastronomique de 1938, Prosper Montagné simplifie le procédé en suggérant de tartiner les crêpes avec le beurre aromatisé, de les plier en quatre et de les servir brûlantes.
Libre au cuisiner de flamber ou pas avant de servir. Les puristes crient au sacrilège, mais le très sérieux Larousse des desserts, dirigé par Pierre Hermé, finit par un feu de joie au Grand Marnier. Les deux versions sont admises : à chacun sa préférence !
Photo : crêpe Suzette par Merle Ja Joonas via Flickr (CC BY-ND 2.0).