Christian Abegan veut glisser une identité africaine dans nos cuisines
Publié le 25.09.2020 , mis à jour le 27.10.2022
Chef de cuisine, consultant, auteur ou encore ambassadeur au Programme Alimentaire Mondial (PAM), Christian Abegan est le grand défenseur d’une philosophie culinaire transversale. Professant le partage, il évoque l’importance des produits laitiers sur le continent africain.
Oh My Milk :Comment pouvons-nous participer aux cultures culinaires africaines ?
Christian Abegan :Il y a un travail à faire autour des additifs qu’il faut bannir, du goût, de la traçabilité. Les produits laitiers sont, à cet égard, une bonne piste d’intervention. Dans une alimentation « sous- protéinée », ils sont de bons remplacements de la viande et répondent aux besoins en calcium. On travaille sur le goût que le fromage peut apporter par exemple, ou l’on part de bases qu‘ils connaissent en opérant une symbiose avec les produits typiques.
Par exemple, nous associons des feuilles de manioc, des légumes ou des légumineuses avec un fromage à pâte molle. Le mil, le fonio se consomment avec du lait en Afrique de l’est et de l’ouest ou sucré, comme pour le thiakhri, un yaourt caillé servi avec une semoule de mil. Souvent, on a le sentiment en Afrique, que le « fromage, c’est fort ». Mais, les poissons secs, les épices, sont eux aussi très forts. Il faut aussi travailler autour de la régulation de la nutrition infantile : former les femmes à la fabrication du yaourt, très utile en complément alimentaire pour régler les carences liées à un environnement très sec.
Oh My Milk :Quelle est la culture laitière en Afrique ?
Christian Abegan :Certains pays, comme le Kenya ou le Bénin, où l’on a trouvé des traces de fromages dès le 19ème siècle, ont une tradition laitière. On a une excellente tomme au Congo. Chez les Peuls, le lait frais est bouilli avant d’être transformé. Des feuilles d’un petit arbuste appelé “amon man” autrement dit feuille de fromage, sont utilisées comme présure. Le yaourt continue, lui aussi, à se faire traditionnellement. Le warangashi béninois, c’est comme une mozzarella un peu dure. Le fromage est teinté avec du sorgho ou des feuilles de teck pour le rendre appétissant. On le consomme cuit, grillé ou frit dans une sauce accompagnant des brochettes ou des légumes.
Oh My Milk :Quelles passerelles sont possibles entre la cuisine française et la cuisine africaine ?
Christian Abegan :En France, les cuisines afro-cubaines ou afro-américaines sont déjà bien ancrées. C’est moins le cas pour l’Afrique alors qu’il y a une population très afro. On peut mettre un peu d’Afrique dans son assiette. Aujourd’hui, nos épices, on les trouve partout. La feuille d’amarante, elle, peut par exemple, être remplacée par celle d’épinard. Avec une igname, on obtient un résultat similaire à celui de la pomme de terre vitelotte. Sur le mafé, on peut utiliser du filet de cabillaud. Une noix de St Jacques avec juste une sauce cacahuète, et voilà, tu connais un peu d’Afrique. Le piment rouge nigérian qui sort de l’enfer, si tu mets de la crème dedans, tout de suite, ça va mieux. Et tout cela est d’autant plus facile avec les réseaux sociaux qui aident beaucoup à l’appropriation des recettes.
Oh My Milk :Quelle est la capacité de la cuisine à changer les choses ?
Christian Abegan :Il faut qu’il y ait des vendeurs de transition et le restaurant en est un. Il faut procéder à la symbiose culturelle, sans heurter les uns les autres, opérer toute cette déconstruction pour découvrir la culture de l’autre. Les plats sont un langage universel, on consomme un produit qui est un peu l’appartenance de l’autre. Les clichés ont la vie dure mais via la cuisine on peut changer, découvrir.
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