Pascal Robin se souvient : petit, le vendredi, c’était crêpe ou patates au lait ribot. Une écrasée de pomme de terre qu’il dégustait avec un verre de lait caillé en trempant l’un dans l’autre. Aujourd’hui, pour lui, c’est crêpe du mardi au dimanche. Ce breton pure souche en a fait son métier : crêpier sur les marchés. Dans un camion floqué au noir et blanc breton, il perpétue depuis 16 ans la tradition de la galette sur les marchés. A 8h, partent les premières galettes saucisses des travailleurs, à 10h, les commandes par douzaine des mamans et papas, à 11h30, la beurre-sucre des petits enfants et à 13h, les « méga ou super complètes » à base de jambon, fromage, chèvre, saucisse qui conduisent les lycéens directement à la sieste. « On a toujours mangé des galettes sur les marchés et ça n’est pas près de s’arrêter », espère bien ce gardien de toc breton. Ici, quand on n’en prend pas des garnies, on achète les crêpes par douzaine (6,6€ prix standard), pliées comme du linge propre, pour les terminer à la maison.
Le food truck à crêpe : une institution bretonne
Publié le 07.02.2020 , mis à jour le 27.10.2022
Les crêpes et la Bretagne, c’est comme le fromage et l’Auvergne : 2 inséparables. Sur les marchés bretons, des food trucks spécialisés perpétuent une tradition qui plait aux touristes comme aux locaux. Reportage au pays de la galette saucisse qui remplace le croissant du matin.
Pascal Robin crêpier« On a toujours mangé des galettes sur les marchés et ça n’est pas près de s’arrêter »
120 crêpes à l’heure
Pour Pascal, la journée commence la veille des marchés, par la pâte à galettes. Car il faut distinguer la crêpe – à la farine de froment, généralement réservée au sucré – de la galette – au sarrasin pour les recettes salées. Dans les Côtes d’Armor, c’est ainsi. Mais dans le Finistère, c’est l’inverse. Le blé noir, mélangé simplement à de l’eau – mais d’aucuns y rajoutent œuf et lait – a besoin d’une nuit de repos. Avant le jour, les 4 biligs de Pascal – ces plaques en fonte de cuisson de 40 cm de diamètre – auront cuit les dizaines de douzaines de la matinée. En amont, il réalise aussi sa pâte à crêpes : grand secret de chacun des camions présents sur les marchés ! Personne ne livre sa recette qui diffère d’une fabrication de farine, d’un verre d’eau, de quelques œufs. Pascal, lui, la fait au lait demi écrémé, 6 œufs au kilo, un peu de sucre, pas de parfum et un peu de repos. « Le sel, ça ne sert à rien ». Le vrai secret réside dans le tour de main et la cuisson.
Installé au marché avant le jour, Pascal Robin allume aussitôt les biligs. Ni trop chaud, pour que la fonte ne brûle pas, ni trop froid, le gaz ne bougera pas de la matinée. Ce mercredi à Saint-Brieuc, il va envoyer des douzaines de crêpes de froment. Il huile les plaques, verse une louche de pâte et d’un petit bâton en forme de T – le rouable -, lisse la pâte d’une main sûre, en cercles fins et concentriques. C’est là tout le vrai savoir-faire du pro, envoyer dix douzaines à l’heure ! « Tu es doué ou non », prétend Pascal quand on lui demande conseil, « c’est au 1er essai que ça se voit ». Ce geste qui va donner toute sa finesse à la crêpe, ces 40 secondes de cuisson, pas plus, qui lui garderont son moelleux, ce décollage preste, à la spatule, qui ne déchire jamais la crêpe, volontairement plus cuite d’un côté que de l’autre, tous ces petites manies donnent leur identité à chacun.
Crêpe à toute heure
Quand un client commande, le crêpier relève le torchon qui protège le gros tas de crêpes, et jette pliée en 2, côté plus cuit, une galette sur la bilig beurrée au pinceau. Un petit pot de beurre – salé bien sûr sinon « ça n’est pas breton » ! – fond tranquillement au coin des galettières. Jamais de beurre en morceaux, question d’efficacité. On en rajoute en plus une bonne dose sur la crêpe, avec le sucre car, ici, il n’y a jamais trop de beurre. 0,9€ le goûter express ! Les enfants en raffolent avant 2 ans, troquant le blé noir pour le froment dans leur jambon fromage. Les plus aguerris s’adonnent à la galette saucisse dès potron minet. Même principe, mais avec une galette de sarrasin et une grosse saucisse grillée cuite séparément. On emmaillote le tout et ce hot dog rapide, bon marché (2,2€) et efficace tient son homme jusqu’au déjeuner. « À Nice, ils mangent bien une pissaladière à 9h du mat », ironise cet ancien chef cuistot de la côte d’azur.
Kalon Digor !
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