Le fromage, un produit de valeur
« Pas la peine d’en faire tout un fromage ! »
Cette expression qui date du XXe siècle signifie que l’on exagère une difficulté ou un problème, ou que l’on grossit démesurément l’importance d’un fait alors qu’il n’y a pas de « quoi… fouetter un chat » ou« en faire tout un plat » ! Le fromage est en effet un produit fabriqué selon un procédé complexe et des savoir-précis, à partir de l’aliment liquide et « brut » qu’est le lait. Bref, à partir d’un produit simple, on confectionne un aliment complexe.
« Se retirer dans un fromage »
L’image du fromage comme produit de valeur se retrouve dans l’expression moins courante « se retirer dans un fromage » ou « trouver un fromage » : le fromage désigne ici une situation lucrative et de tout repos, autrement dit une fonction nécessitant peu d’effort mais apportant une rémunération substantielle !
« Laisser le chat aller au fromage »
Plus grivoise, l’expression « laisser le chat aller au fromage » se disait, autrefois, d’une jeune fille ayant cédé aux ardeurs de son prétendant avant le mariage.
Le fromage, du peuple à l’élite
« Entre la poire et le fromage »
Autre contexte, autre signification : l’expression « entre la poire et le fromage » désigne le moment de la fin du repas, quand les convives, relaxés par la bonne chère et pris dans la douce torpeur de la digestion, parlent plus librement et laissent la confiance s’installer.
Mais pourquoi associer la poire et le fromage ? Cet accord apparut à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, quand les poires participèrent à l’ « anoblissement » de l’humble fromage, viande des pauvres à ce titre peu prisée par les élites. En effet, pour se distinguer des mangeurs des campagnes, les classes dominantes élaborèrent des stratégies pour rendre le fromage socialement plus acceptable : d’accord pour manger un aliment simple et rustique, produit et consommé par la paysannerie, mais à condition de le déguster différemment !
Or, dans la culture médiévale, les fruits étaient perçus comme des aliments destiné aux seigneurs, notamment les spécimens délicats et périssables comme les poires. Ainsi, non seulement les élites prirent l’habitude de consommer le fromage en fin de repas au lieu de le considérer comme le repas lui-même, mais elles se mirent à le précéder par la dégustation d’une poire.
Les Italiens ont d’ailleurs gardé le sens originel de cette association avec leur expression « Ne dis pas au paysan à quel point le fromage est bon avec les poires » : pas question de partager le savoir si particulier qu’est le bon-goût !