Comme toute spécialité bretonne qui se respecte, le kig ha farz est préparé avec force produits laitiers et surtout de beurre. À déguster dès les premiers frimas, quand la météo réclame des plats conviviaux et réconfortants.
Kig ha farz, le pot-au-feu breton
Signifiant littéralement « viande et far », le kig ha farz est une variante de pot-au-feu à base de porc salé, bœuf et légumes, dans lequel on ajoute une pâte à farz (ou far). Celle-ci cuit doucement dans le bouillon après avoir été enfermée dans un sac en toile ou un linge récupéré et noué. Autrefois, ce plat originaire du nord du Finistère – notamment de la région du Léon – était parfaitement adapté aux exigences de la vie rurale : mijotant pendant de longues heures, sans nécessité d’intervention, il laissait aux femmes le temps de travailler dans les champs tout en concoctant un repas bon marché, sain et nourrissant. Il est servi en deux fois : le bouillon en entrée, puis, en guise de plat principal, la viande, les légumes et le farz arrosés de lipig (sauce au beurre et aux échalotes).
Farz noir ou farz blanc ?
Pour Françoise Buisson, auteur culinaire finistérienne, l’élément principal du kig ha farz est bien sûr le farz, c’est-à-dire une pâte à base de farine, lait, beurre et œufs. Comme elle l’explique dans le livre Pot-au-feu. Convivial, familial : histoires d’un mythe (éditions Autrement), celui-ci est traditionnellement noir, c’est-à-dire élaboré avec de la farine de sarrasin (ou blé noir). Toutefois, le farz blanc, à base de farine de froment, s’est progressivement imposé jusqu’à devenir un élément presque incontournable de la recette, au grand dam des puristes ! Mais pourquoi se priver de la douceur du farz blanc, qui contraste si agréablement avec le caractère du sarrasin ? « Les deux ne se servent pas (…) de la même façon, précise Françoise Buisson ; le farz noir se sert bruzunog, c’est-à-dire émietté, comparable à de la semoule de couscous, et le farz blanc coupé en tranches. » Ces dernières sont souvent dorées à la poêle avec un peu de beurre. Leur goût rappelle d’autant plus celui des crêpes que la pâte est légèrement sucrée.
Zoom sur le lipig
Pour parfaire ce sommet d’art culinaire paysan, le plat est servi avec le lipig, une sauce crémeuse à base de beurre, d’échalotes – ou d’oignons de Roscoff – et de bouillon de cuisson. Les échalotes sont d’abord compotées pendant 1 ou 2 heures avec un peu de beurre et de bouillon, puis la sauce est montée avec du beurre très froid. Les inconditionnels de crème peuvent cependant se laisser aller à leur péché mignon : « quand un hôte de marque venait à la ferme, on servait le kig ha farz avec de la crème, raconte Françoise Buisson, mais c’était rare, car la crème servait à faire le beurre et le beurre se vendait ! » Et en guise de boisson ? Dans les campagnes, on buvait autrefois de l’eau, du lait ribot voire du gros-lait. Avec un kouign amann en dessert, voilà un bien bel hommage à la gourmandise bretonne !